THIS IS NOT A LOVE SONG : JOUR 2




THIS IS NOT A LOVE SONG : JOUR 2

La fatigue ne se fait pas encore trop sentir lorsque l'on débarque à Paloma pour le deuxième jour du TINALS. C'est donc surexcitées que l'on s'apprête à manger la grosse salle, à lui soutirer toutes les expériences musicales et humaines les plus enrichissantes. Et l'on aime autant vous dire que la Paloma en regorgeait ce soir-là, des interviews fleuve-détente à l'enchaînement sur scène d'énergies complètement différentes mais toujours prenantes, en passant par les aventures de notre chroniqueuse Lisa au stand merchandising. Vous saurez tout.


MERCHANDISE


La soirée s'ouvre dans le Club avec les américains de MERCHANDISE, un nom 100% teinté d'ironie pour un groupe qui ne vendrait même pas de t-shirts. Leur énergie est froide et sombre, parfaite pour une ouverture car l'on aurait eu du mal à se projeter dans leur univers après avoir goûté à des groupes qui mettent naturellement le sourire aux lèvres (et ils étaient nombreux ce soir-là). La salle est à moitié pleine mais qu'importe, Merchandise font du mieux qu'ils peuvent, et c'est beaucoup. Carson Cox, chanteur et guitariste, nous plonge dans les ténèbres de sa voix et, surtout, de son âme avec des paroles déclarées comme des confidences et mimées lorsqu'il lâche son instrument. On démarre bien et ces mecs de Tampa, Floride (plus original que L.A, California) nous mettent dans l'ambiance de la soirée : des groupes venus d'un peu partout qui forment un tout cohérent car ils partagent la même volonté de partager, de dévoiler leur identité et nous la donner à déguster. MERCHANDISE en était le parfait  avant-goût.


THE INTELLIGENCE


On se sent toujours un peu bizarres lorsqu'on va voir un groupe qui s'est formé quand on avait cinq ans. C'est tout à fait le juste milieu entre « ce groupe que j'adore et qui s'est séparé des années avant ma naissance et que j'aime inconditionnellement à travers les années » et « ce groupe que j'adore qui s'est formé l'année de mon bac et qui dit ma vie ». Il y a toujours cette sensation que, si l'on adore leur musique, on ne peut pas tout à fait la comprendre car elle fait partie d'une époque qui n'est pas la nôtre et qui n'est pas assez ancienne pour que l'on puisse se l'approprier. On va donc voir The Intelligence comme des ados à la soif d'apprendre et ça fonctionne : Lars Finberg, le chanteur, nous apprend une certaine idée de la classe lorsqu'il rock'n'rolle proprement en gardant ses postures de type à la classe anglaise, au charme ricain et au talent des petits génies de la musique. La grande salle se chauffe et s'évade et on se prend une première claque, mais plutôt comme une frappe de grand frère sur la joue qui veut te dire «Allez, va, un jour tu comprendras le comment et le pourquoi». Ce qui ne nous empêchera pas de swinguer jusqu'à la dernière note.


MELODY'S ECHO CHAMBER



Le temps d'une cigarette et l'on passe dans le club où l'on sera victimes de l'information à outrance. J'avais refusé de m'intéresser au cas Melody's Echo Chamber, que la presse semblait vanter à en croire le nombre de fois où le visage de la chanteuse m'est apparu sur papier glacé, et souhaitait attendre ce concert à Paloma pour poser mon verdict. J'apprends dans l'après-midi que cette chanteuse médiatisée est la petite-amie du chanteur du Tame Impala et l'on me promet « le groupe de son mec avec une voix de fille » et que « ça rend super ». Naïve, et surtout fan de Tame Impala, je me réjouis d'avance. Hélas, on arrive dans le club lorsque le set s'ouvre sur un problème technique, heureusement géré avec humour. Le premier titre s'emballe et là c'est le drame : que fait donc cette voix de midinette sur une musique d'une si grande qualité, qui parvient d'entrer de jeu à nous noyer dans le psyché et les floraisons mentales ?! Corps et tête sont mitigés : mes jambes et mes hanches veulent se remuer en rythme mais mon cerveau me dit « stop ! Fais-donc attention à cette voix qui déraille souvent et fait toujours le même effet – presque nul – le reste du temps. » Les quelques chansons en français finissent de nous achever tant les paroles – quand elles nous parviennent, ce qui relève du miracle tant il lui faut d'effort pour faire sortir de ses cordes vocales quelque chose d'intelligible – sont bas de gamme : « fais-moi un bisou magique» ... Kikoo lol xptdr, tant qu'on y est. Et comme l'on est en festival, on ne résiste pas à l'envie de passer dans une autre salle voir ce qui s'y passe.


VALENCIA MOTEL


Après la déception Melody's Echo Chamber, on passe dans la grande salle pour une valeur sûre : les locaux de Valencia Motel. Sans surprise on danse et on rigole, les copains font les foufous et l'ambiance est bonne enfant. Mais quelque chose à changé sur scène. Depuis un an que nous ne les avions pas vus sur scène, le groupe a acquis une maturité incroyable et est parvenu à se détacher de ses influences parfois trop palpables à leurs débuts. Désormais, quelqu'un qui ne les connaissait pas aurait parfaitement pu penser qu'il s'agissait d'un groupe de la scène montante comme BRNS. De bons musiciens et une voix qui t'empêche de tenir en place, t'invite à la danse en continu nous font passer un agréable moment de détente rythmée et en famille !


JC SATAN

  

Le club se transforme en bar sombre. Le diable était bel et bien parmi nous hier soir dans cette ville de province et la jeunesse vient exorciser son mal de vivre dans une bourgade en dansant jusqu'à la transe, en se propulsant contre d'autres corps en feu. Dès que l'on reconnaît les premières note de Legion, les frissons se mêlent à la sueur. C'est les pogos à la nîmoise – comme on en avait pas vus depuis longtemps – mixés à la sauce marseillaise. Car oui, il y a ça de plus, un public qui s'est déplacé et sait exactement pourquoi il est là : pour tout donner sur Hell Death Samba et ensuite aller puiser au fond du fond de ses réserves et découvrir une énergie insoupçonnée à faire vivre leur musique avec eux. Même si la voix de Paula semble lointaine, les paroles scandées retentissent dans notre tête comme un envoûtement. Les solos d'Arthur ont fini de nous faire imploser. L'énergie est contagieuse  et bien évacuée. Une fois que Satan nous a consumé, J-C nous exorcise!  On est définitivement fans de la scène garage bordelaise, qui reste fidèle à elle-même !



GUARDS


Si JC Sátan nous avaient déjà remis dans l'ambiance concert à la nîmoise, GUARDS nous y plonge directement. Impossible de ne pas penser au concert déchaîné – terminé en stage invasion – des Willowz il y a trois ans maintenant. L'on retrouve le chanteur James Follin – et sa femme au chant – ainsi que Lauren Humphrey, batteur des Willowz.  L'on arrive donc au concert conscients qu'ils ont la capacité de nous rendre fous, de créer un moment inoubliable pour peu qu'on ait l'air de le demander.  Ça tombe bien, le public accroche dès le premier morceau et l'on ne s'arrête plus jusqu'à la fin. On danse comme en famille et l'on réalise que le groupe a bien choisi son nom. Tous trois aînés de leur fratrie, ils recréent ce rapport avec le public dans leur musique et nous retournent la tête, nous fracassent les jambes comme un grand frère qui t'apprend la vie à coups de bières et de vinyles. Et j'aime autant vous dire qu'il fait bon faire partie de cette fratrie là.


BRNS : music that BuRNS your BRaiNS



Retour à la pop avec les très attendus BRNS. Rencontrés lors du festival Panoramas, l'on attendait impatiemment de les revoir sur scène afin de palper une fois de plus la puissance de leur aura. Le batteur-chanteur – et l'on imagine à quel point ce double-poste doit être difficile à gérer – nous impressionne un peu plus à chaque titre car il parvient à affoler le rythme côté percus et à faire évader notre esprit côté voix. C'est d'ailleurs les percussions qui font la force de BRNS : tout notre corps les ressent et notre esprit est inévitablement touché par la grandeur qu'elles imposent. Le chant devient alors un allié de poids en faisant monter l'émotion que les percus avaient appelées. La touche finale est l'énergie et le sourire de ces quatre musiciens : rares sont les musiciens dont le visage témoigne autant d'un bonheur sans limites de faire ce qu'ils font au moment et à l'endroit où ils le font. La passion était vraie et partagée.


KING TUFF



Les types bruts de décoffrage de King Tuff nous entraînent dans une détente sans bornes : le corps se lâche dans une excitation détendue, la danse est frénétique mais toujours dans une optique « cool ». Ils ont beaucoup à voir avec les Natural Child de Nashville – le chanteur portait d'ailleurs un t-shirt à leur effigie avant le concert -  et partagent ce même sens du vintage à-propos. Du passé ils prennent les attitudes oubliées – cette absence de prise de tête de l'homme errant américain – et une certaine idée du rock pour élévation du prosaïsme. C'est pile ce qu'il fallait prendre avant de tomber dans le revival assourdissant et  inapproprié. Ce prosaïsme terrifiant remue nos tripes d'hommes et de femmes simples et l'on se sent tous les héros de ce monde où n'importe qui ne rime pas avec n'importe quoi. C'est comme si King Tuff donnait sa chance à chacun d'entre nous. Et l'on ne regrette pas de leur en avoir laissé une. On recommencerait volontiers.


AMON TOBIN


L'attraction de la soirée nous aura régalés en long en large et en travers. L'ambiance est affolante dès les premières secondes : ce n'est pas le public qui pénètre l'univers de l'artiste mais celui-ci qui nous perce, nous encanaille et nous fait visiter des dimensions inconnues, à base de sonorités métalliques et survoltées. La violence est de mise mais elle ne se fait pas sombre comme souvent en électro : c'est une violence tapageuse, une ivresse de coups et de mouvements saccadés. A l'apogée du set quelque chose nous frappe,  surgit du fond de notre cerveau mis en suspens : cette musique auréolée par une puissance organique, à la fois palpable et tellement loin de notre réalité, semble même au dessus du sexe. L'impression se fait de plus en plus vive que ces sonorités font à notre corps ce que jamais un autre corps ne saurait lui donner comme plaisir tranché à vif, dans les saccades et les muscles en tension. Notre chair et notre sang bouillonnant deviennent notre conscience : rien ne sert de réfléchir, il s'agit seulement de se laisser dominer par la tension sonore qui jamais ne redescend. Tout s'enchaîne et l'on se retrouve assujettis par un Amon Tobin maître du jeu. Il reste discret derrière sa forteresse – inutile d'ailleurs de le regarder – mais les effets de lumière nous déchaînent sans que l'on puisse lutter, comme si le bonhomme avait misé sur tous les tableaux pour contrôler nos corps et mettre nos encéphales sur pause. L'on est pantins articulés d'une musique indicible, qui se vit avec la chair avant toute chose. AMEN.


Une soirée à dominante rock qui se termine par la claque électro et sensorielle pour la décennie à venir - qui nous ramène à l'idée que OUI nous sommes bien dans un festival - ne pouvait être aussi belle qu'à Paloma, devenue un lieu de rencontres, échanges et autres sourires niais impossibles à se décoller de la face. C'est donc tout sourire que l'on y retourne ce soir,plus assoiffées de découvertes et plus motivées que jamais, et avec vous on l'espère.


Jessyka, Lisa et Alice S.