[ C'EST INVENTE ] UNLOCK THE HEART, formation électro-clash imaginaire

Trajectoire ascensionnelle d'un groupe qui n'existe pas : UNLOCK THE HEART 


Le Printemps 2014 approche. Je m'impose un bilan de ces quatre derniers mois en matière de musique. Rien ne m'a vraiment époustouflée jusqu'ici. Pas de découverte majeure, pas d'album qui tourne en boucle. Quelques talents, certes, mais pas de nouvelle idole. 
Ce qui manque à cette année, pour le moment, c'est la découverte qui fait l'effet d'une bombe. Plonger ses oreilles dans une démo, un EP et savoir dès la première écoute qu'on n'en ressortira pas indemnes, et même changés, grandis. Mon grand regret reste de ne pas avoir découvert ce groupe qui me retourne une bonne paire de claques tant par sa musique que par sa spiritualité, son message et son humour grinçant.  
Pour palier ma frustration, j'ai écris 10 000 signes sur un groupe inexistant mais qui a tout ce que j'attends d'une révélation 2014 à venir : du son qui crache, une identité en marge, assez d'esprit pour envisager la musique autrement et ce qu'il faut d'intelligence pour le rendre correctement.  


UNLOCK THE HEART est une formation atypique à l'ère 2.0. Pour commencer formellement, il convient de vous raconter l'histoire de ceux qui voulaient ouvrir les cœurs sans pour autant enfoncer des portes ouvertes

Genèse et Déluge de sonorités modernes.

Janvier 2014. A 18 ans, Andréa, jeune parisienne, connaît son premier chagrin d'amour. Il est violent, sans précédent et lui retourne le cerveau comme une vieille montée de MDMA. Ce mec, pas vraiment canon ni vraiment intelligent, a réussi à la convaincre qu'il en valait la peine, s'est mit à la dominer moralement avant de la laisser choir et de s'en retourner dans son Poitou-Charente natal où il poursuivra une existence médiocre à se persuader qu'être un mec c'est foutre des nanas en cloque et s'en aller, histoire de raconter ses exploits à ses potes puceaux. Mais étant plutôt de phénotype Hessel qu'Emma Bovary, la petite s'indigne et décide de tirer quelque chose de cette histoire.
Elle ne savait pas encore quoi jusqu'à ce qu'elle aille se mettre une caisse au Sonart, son bar de prédilection du 9ème arrondissement, et y rencontre deux types plutôt paumés et portant le même prénom que celui qui avait fait de son cœur du vomi de chat en fin de vie : Adrien. Adrien et Adrien sont deux mecs vraiment canons et vraiment intelligents qui ont subit la torture physique et mentale du premier amour et ne s'en sont jamais remis. Ils noient leur virginité perdue dans les alcools forts et la drogue dure en se persuadant que c'est la seule chose à faire, parce que tout le monde autour d'eux le fait. Andréa en décidera autrement. Parce qu'ils lui disent faire de l'electroclash à leurs heures perdues, la petite voit en eux la porte de secours d'une dépression so 2014 qui s'annonce. Ouep.

Ni une ni deux, les deux gonzes et leur muse se mettent à composer et à discuter amours jour et nuit. De ces heures tout sauf gâchées naîtra le projet UNLOCK THE HEART, annoncé sur leur page facebook comme un « médiocre concept-band qui dresse un panorama des relations amoureuses contemporaines ». L'aventure est lancée. 

Matérialisation d'un groupe immatériel

Février 2014. Le projet prend forme sous l'étiquette Do It Yourself.  Les grandes lignes du projet sont tracées : UNLOCK THE HEART tente le pari de dire les amours en chanson mais aussi sur leur site, unlocktheheart.tumblr.com . Chaque dimanche, le groupe poste une composition originale accompagnée qu'un texte. Ainsi, au titre «First Love Feels Like Rape» - qui deviendra bientôt leur tube - correspond 5000 signes de la plume d'Andréa  qui s'évertue à théoriser le premier amour comme un viol, une expérience qui prend une partie de toi qu'elle ne te rendra jamais et te tombe sur le coin de la gueule que tu te tentes la résistance ou non, que tu te protèges ou non. 

« First Love in the darkest street / First Love cuts you in half / Fisrt Love brings you shame when it breaks between your kidneys » hurlera bientôt Andréa sur les scènes de France et de Navarre sur un fond d'électroclash bien trempé dont le rythme se veut mimesis des secousses de l'acte sexuel non-consenti. 

Pour expliquer son refrain et le fond de sa pensée, la jeune vocaliste improvisée écrit notamment ces mots :

« Le premier amour est un viol. Il t'arrache à l'innocence, à ton corps et à tes sentiments. Tu perds le contrôle car quelqu'un fait violence à ta capacité de résistance et t'étouffe de sa domination malsaine. 
(…)
Le seul violeur qui parvient à se faire aimer est le premier qui possède ton corps, y grave des cicatrices que tu contemples avec une nostalgie mêlée de rage, un bouillonnement infini qui te définit en tant qu'être. 
(…)
Le premier amour est une épreuve. Si tu sors vivant de ce rapt c'est que le monde est à ta portée. Tu peux alors t'exprimer et tenter de l'appréhender. Vivre et mourir dans la souffrance que procure l'altérité et le désir infini d'aimer et d'être aimé. »


Bim ! Ni une ni deux, le succès frappe à leur porte et les fans se pressent dans les salles de concert pour écouter leurs délires en buvant des bières toujours trop chères. Évidemment la presse s'empare vite de ce tintamarre amoureux ce qui leur permet de se payer une belle affiche :

« Les leçons de vie de ta grand-mère rédigées par Bukowski et scandées par la petite sœur de tes rêves. » GONZAÏ

«Unlock The Heart a trouvé la clé du Verbe et dénonce les multiples réalités de l'amour dans le souffle continu d'une prose jeune et terriblement efficace » Les Inrocks

« Quand Sexy Sushi rencontre la fille spirituelle de Simone de Beauvoir et Virginie Despentes » Dum Dum




Conquête par le live
Avril 2014. Mais vous n'avez pas encore tout vu. A part si, comme nous, vous étiez présents à Morlaix pour la 17ème édition du festival Panoramas. En effet, le festival breton a cueilli l'exclusivité du live méticuleusement construit par le trio parisien. Avant cette date, leurs lives relevaient du délire. Ce soir là, ils ont atteint le stade de l'extase.

C'est le samedi soir, sur la scène du Club Sésame, qu'Unlock The Heart a déballé toute sa puissance. Andréa, 1m70 et pas assez de kilos,  débarque sur scène en talons hauts, bas résille et robe qui dit «j'ai piqué le tshirt de mon keum et j'en ai fait une putain de fringue ». Sur son tshirt, un cœur traversé d'une flèche – très kitch – en dessous duquel on peut lire « What does it have to do with love ? » - «Qu'est-ce que ça a à voir avec l'amour ? », dans la langue de Molière - . L'on apprendra plus tard qu'il s'agit de la première pièce d'une collection de merchandising à l'initiative de la chanteuse qui sera lancée en mai  et qui vise à détruire les symboles de l'amour. Et effectivement, leur live hystérique nous fait comprendre que l'amour n'est pas un cœur tout beau tout rouge transpercé par l'arme de Cupidon

Le set de s'ouvrir sur «First Love Feels Like Rape» afin d'enflammer un public surfant aussi bien sur la pente ascendante de l'adolescence que sur la pente descendante de la cuite. Puis tout s'enchaîne : « Fifty Shades Of Fuck » qui parodie gaiement le trop célèbre « Fifty Shades Of Grey », « Oral Sex Is No Shame », «Can't Get You Out Of My Bed » qui demande une culture mainstream afin de saisir la référence ou encore « I Fuck Older Men. So what ? Fuck you ! » inspiré du refrain de l'hymne à la bière bon marché de FIDLAR (« I Drink Cheap Beer. So what ? Fuck You!») .
Dans le public c'est la transe, particulièrement lorsque la chanteuse s'approche voire se mêle à cette foule déjà embrigadée pour mieux imprégner leurs cerveaux de son discours qui lie les chansons. En effet, cette toute jeune voix tisse le lien de la relation de l'artiste à son public comme métaphore de la relation amoureuse, la dépendance officiant de chacun des deux bords. C'est beau à en pleurer tes neurones et l'on voudrait que ça ne s'arrête jamais. 

Mais ce n'est pas fini, la partie cachée de l'Iceberg reste à dévoiler. Elle prendra la forme du titre inédit «Romantic Rights», clin d’œil charmeur à feu Death From Above 1979.  Les vibrations electroclash servent d'introduction tandis qu'Andréa se retourne afin d'enlever sa robe. L'on peut alors lire sur son dos: « FUCK FEMEN ». Lorsqu'elle se retourne, l'on remarque que sa poitrine et son ventre portent l'inscription « PRAY FOR ROMANTIC RIGHTS». Pendant plus d'une minute, l'électroclash est plus assourdissant que jamais tandis qu'Andréa s'approche du public et déballe son discours, sans encore chanter. « FEMEN est un mensonge. FEMEN te fait croire que se foutre à poil et hurler c'est être féministe et revendiquer ses droits mais détrompe-toi petit gars, c'est juste une confirmation du cliché de la femme hystérique et de la pétasse moderne qui recherche désespérément l'attention des médias pour oublier qu'elle a pas réfléchi sérieusement depuis qu'elle a lu dans Glamour qu'il fallait baiser la baise. Mais toi t'es pas comme ça, chérie, t'es pas si tarte. Tu sais bien que tu ne gagneras rien à combattre l'oppression en t'humiliant. Regarde moi, j'ai pas l'air d'une chienne comme ça ? Pourtant je suis comme ton père, ton frère et ta sœur : j'ai envie de croire au romantisme. Envie de croire qu'on va m'aimer pour ce que je suis et me le montrer en m'apportant le petit déj' au lit. Ne perdez pas espoir car ce soir on chante les Romantic Rights ». S'en suivent six minutes de turbulences d'une déclaration des droits au romantisme, scandée tel un remix de la Constitution de n'importe quel pays incapable de l'appliquer

Et tu croyais que c'était fini ? Qu'ils t'avaient tout montré ? Que nenni, l'ami ! Tandis que les dernières notes de « Romantic Rights » résonnent encore dans ta tête, Andréa enfile un drôle de déguisement : perruque blonde, la raie au milieu, lui descendant jusqu'au milieu du dos, bonnet Carhartt et creepers cloutées. Quelle comédie va donc se jouer ?
Ni une ni deux, l'actrice principale se saisit du micro et déclare d'une voix nasillarde : « Il pète la classe mon bonnet, hein ? Matte un peu mes creepers, top niveau ! Je passe crème au Social et je fais gauler tout Paris, n'est-ce pas ? Je m'appelle Andréa et j'ai un groupe de pop rock. Je chante la jeunesse poudre blanche et les relations non-protégées avec des types barbus qui sont tous Djs. Tu vas kiffer. »
Débute alors « Party Is Now », la non-chanson d'un non-groupe pourtant bien composée et interprétée par Unlock The Heart  pour se foutre de la gueule d'une pop-music sans queue ni tête, qui écrit du vide sur du vide et s'orne des symboles du néant, a.k.a les fringues qu'il faut acheter et les drogues qu'il faut consommer. Le public se déchaîne contre sa génération et en sort grandi, comme prit dans le vent d'une communauté à laquelle il vaut mieux appartenir, celle de ceux qui parlent à cœur ouvert.

La suite au prochain épisode !

Jessyka

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