TAKE A DRAG OR TWO W/ PATATE


Après l'interview des Mofo Party Plan, on continue d'ouvrir les yeux sur notre cité nîmoise en allant à la rencontre de Patate, un artiste local à mi-temps mais surtout un jeune homme au grand cœur qui a plus d'une corde à son arc.

D’abord, Patate, c’est qui et c’est quoi ? D’où te vient ce surnom ?
« Patate » c’est venu par rapport aux patates que je prends en skate, donc les chutes : j’en prends beaucoup, je skate beaucoup, donc je prends de grosses patates ! C’est le skate qui m’a amené à toutes les formes d’art que je fais, parce que c’est un médium super créatif avec le mobilier urbain, il en fait des utilisations inédites par rapport à l’utilisateur lambda. En premier lieu ça m’a amené à la photographie, et plus ça va plus j’utilise de médiums : je fais beaucoup de collages à la manière de J.R., je me mets à dessiner, des pochoirs, de la sculpture. De toutes façons je n’aime pas me cantonner à un seul outil, j’aime évoluer en fonction des influences que j’ai autour de moi.

Quel est ton parcours ? Comment t’est venue la passion de la photographie ?
Je n’ai pas fait d’études, je suis autodidacte. Des potes skateurs plus âges m’ont appris les bases, et j’ai appris de fil en aiguille. Le meilleur conseil qu’on m’ait jamais donné, qui est toujours d’actualité, c’est : plus tu shootes, plus tu progresses. Il y a pas de secrets !

Ça fait combien de temps que tu fais de la photo ?
Cinq ans, quelque chose comme ça. J’ai vraiment commencé quand j’ai arrêté mes études, à Rodhilan, et c’est là que j’ai pu prendre plus de temps pour me consacrer à ça.


Est-ce que tu as des sujets favoris de photo ?
L’être humain. J’aime les photos de scènes de vie toutes simples ; avec le quotidien qu’on a, à toujours vouloir aller vite, on ne fait pas attention. J’aime bien tous ces moments simples de vie qui font que c’est beau, auxquels il faut porter plus d’attention. Du coup les natures mortes aussi. Et les vieilles personnes, je les adore : elles sont toutes ridées, tu regardes leur visage et t’as l’impression que tu peux lire une histoire qu’ils retranscrivent à travers leur face qui a pris l’usure du temps et de leur parcours. J’adore les vieux.

D’où t’est venue l’idée de faire des collages dans les rues de Nîmes ?
Quand je me suis installé à Nîmes en mars dernier, c’était pour réaliser des projets après les voyages que j’avais faits. Dont un en Amérique centrale, dont j’ai fait une expo chez 340MS. Je voulais vraiment le faire depuis mon retour en France, et j’ai essayé au début de démarcher des galeries mais c’est saturé. Et une galerie à proprement parler, c’est un peu considéré pour une élite qui connaît l’art. Une fois je suis tombé sur des photos et vidéos de J.R., et c’est vraiment lui qui m’a inspiré : les styles de collage que je fais ça descend direct de lui, et le truc qui m’a plu c’est qu’exposer dans la rue, c’est une galerie ouverte 24/24 pour toutes les couches sociales, même ceux qui ont pas l’habitude de regarder de l’art, ils peuvent admirer ça et je trouve que ça met du dynamisme dans la ville. Ça touche tout le monde, et mon but c’est vraiment de sensibiliser les gens le plus possible à travers mes photos, et du fait qu’ils soient sensibilisés, ça les éveille à autre chose. Qu’ils ouvrent leurs yeux et leur esprit.



Tu as exposé chez 340MS des photos de ton voyage en Amérique centrale, qu’est ce que ce voyage t’a apporté, humainement et artistiquement ?
Humainement, beaucoup. J’ai beaucoup appris sur moi-même vu que je voyageais seul avec mon sac à dos et mes appareils photo. Beaucoup d’expériences et de galères desquelles on apprend encore plus. Artistiquement, pas grand chose : je me laissais aller, j’apprends plus artistiquement maintenant en pratiquant différents médiums ; je me laissais juste imprégner de la culture qu’il y avait autour de moi, des atmosphères et j’essayais d’en imprégner mes appareils photo.

Où as-tu voyagé, à part en Amérique centrale ?
J’ai vécu à Montréal, j’ai été au Maroc, en Indonésie, en Hongrie et Slovénie, aux États-Unis.

Tu as lancé un fanzine récemment, Sarcasme, il consiste en quoi ?
Tous les problèmes sociaux et environnementaux me touchent beaucoup, ça me fout les nerfs au possible. Moi même je commençais à devenir sarcastique en parlant de ces sujets, et je hais ça. Etre sarcastique n’est pas ma vraie personnalité. Du coup je me suis vidé sur ce fanzine, j’espère que ça peut faire réaliser certaines choses à des gens. Ça faisait longtemps que je voulais faire quelque chose de concret : j’ai mon blog mais le virtuel c’est bien beau ; j’ai besoin de faire des choses palpables, concrètes. Je voulais un fanzine et j’attendais, parce qu’on peut toujours faire mieux, mais le mieux c’est l’ennemi du bien : à un moment donné je me suis dis « vas-y fais le direct ». Et j’ai fait ça en trois jours avec des images que j’avais chez moi, j’ai coupé des pubs, c’était photocopié et voilà.
Tu envisages de le refaire ? Avec une parution plus périodique ?
Je vais en faire d’autres, mais à parution très irrégulière. Peut-être moins sarcastiques, y aller plus en nuances


Quels artistes t’influencent, hormis J.R. ?
Beaucoup d’artistes des milieux underground, des cultures alternatives de skate principalement. Ed Templeton m’inspire beaucoup, Thomas Campbell qui lui aussi mélange plusieurs médiums, peinture, collages ; Marc Gonzales … La plupart son des skateurs, je trouve que dans leur art il y a une grande spontanéité. Toutes les formes d’arts plus conceptuels, j’ai du mal. J’aime pas trop me prendre la tête !

Est-ce que tu es influencé par d’autres formes d’art, peut-être que tu ne pratiques pas, comme la musique ?
J’aime beaucoup la musique ; je n’ai aucune culture  musicale. Je connais des chansons parfois mythiques, mais je ne saurais pas dire l’artiste, le titre de la chanson. Mais la musique m’aide beaucoup pour travailler, surtout les musiques mélancoliques, qui mettent dans une atmosphère sensible. Sinon, un peu toutes les formes d’art, tout ce qui touche à la corde sensible forcément que ça éveille des émotions et ça m’aide à les retranscrire.

Depuis mars que tu es à Nîmes, est-ce que tu t’es vite intégré ?
J’ai justement du mal à m’intégrer à la culture française. Je trouve la France magnifique, vraiment, chaque fois que je suis revenu en France j’en suis retombé amoureux, mais c’est vrai que nous les Français on râle tout le temps pour tout, on trouve toujours à critiquer même sur les sujets qu’on aime. Les gens manquent d’enthousiasme et il n’y a pas de dynamique qui se crée, chacun fait son truc de son côté. C’est prétentieux pour moi de dire ça, mais c’est un défi de rassembler tous ces gens. À Nîmes, il y a beaucoup de potentiel avec les jeunes artistes, plein de monde fait plein de trucs… mais chacun de son côté. J’aimerais arriver à rassembler tout le monde et à ce qu’il y ait une vraie dynamique qui se crée. Pas seulement pour la musique, où il y a le nouveau centre, mais plus tout ce qui provient de la culture underground.


Quels sont les artistes locaux que tu apprécies?
Il y en a plein : la plupart des artistes qui sont passés chez 340MS. D’ailleurs ils assurent parce qu’ils font une expo par mois et ils mettent en avant plein d’artistes qui ont un talent fou et qui sont pas forcément reconnus à leur juste valeur. Il y aussi un projet qui aura lieu en mars : plus d’une dizaine d’artistes à qui j’ai filé une planche de skate vierge chacun, ils vont créer dessus une œuvre, dessin ou peinture, et ça fera une expo dont le vernissage sera le 2 mars chez 340MS. Ce sera une vente aux enchères des œuvres pendant un mois, et tous les fonds seront reversés à l’association Pour un sourire d’enfant, qui sort les enfants des bidonvilles au Cambodge.
Tu en feras un de skate ?
Non, justement. Mon projet n’est pas de mettre mon travail en avant mais de fédérer, et rassemblés autour de causes qu’on trouve justes, c’est possible de faire quelque chose de cool, de faire bouger la ville sur une culture qui nous touche et des choses pour lesquelles on vit. Enfin je sais que je vis pour ce que je fais, pour l’art que j’essaie de produire. Et il y a une autre sorte de culture à Nîmes que celle qu’on met toujours en avant, tu sais : les cornes…

Allez, on se donne tous rdv sur le www.patatoes.net !
Propos recueillis par Mathilde Morny


Patate Photography exposition " Patchwork Americano " from patatoes on Vimeo.