PRIMAVERA SOUND FESTIVAL 2011 : LE TOP 10 DES LIVES


Chose promise, chose due : vous revenons sur l'édition 2011 du festival barcelonais Primavera avec le compte à rebours des meilleurs lives par Impossible Soul !

10) Explosions in the Sky : Qui ose dire aujourd’hui encore que le post-rock une une musique bruitiste ? Certainement pas quelqu’un qui a écouté Explosions in the Sky. Les Texans ont livré à Primavera une performance parfaitement calibrée, mettant à l’honneur le dernier album du groupe, Take Care, Take Care, Take Care (2011). Prudence, oui, car le son ravageur nourri par de bagarreuses guitares et une batterie outrageuse parvient aussi à créer des moments d’une finesse et précision infinies. La recette du succès de ce concert tient à cet équilibre fait de mesure , pour mieux atteindre la démesure. Explosions in the Sky a dévoilé ce soir là un ciel rempli d’étoiles orageuses.

9) Rubik : Détrompez-vous, Rubik n’est pas un groupe casse-tête. Cette bande de joyeux Finlandais propose un set foutraque et allumé. Finlandais, oui madame. Un peu à l’étroit sur la scène Jägermeister, le groupe profite de cette promiscuité pour créer une relation incandescente avec le public. Les titres s’enchaînent à une vitesse folle, histoire de ne pas faire retomber la température et de ne pas trop laisser refroidir la bière. A n’en pas douter, Rubik offre le rock le plus simple, jovial et généreux entendu depuis bien longtemps. La révélation de Primavera. 

8) Battles : Ah, amour Battles, que ne ferais-je pas pour toi ? Attendu toute la nuit tu fus, près de 4 heures du matin (ou du soir, je ne sais plus) désormais il est. Toi qui as ensanglanté mon âme avec l’extatique Mirrored (2007) et qui s’apprête à la faire chavirer avec ce nouveau Gloss Drop. Ton set halluciné me fera tantôt danser (Futura, Dominican Fade, Ice Cream), tantôt me questionner (Wall Street, My Machines) telle une incarnation féline lisant la prose de Pouchkine. Je t’aime, bien sûr que oui, mais je ne sais plus vraiment si je te suis. Puisses-tu être moins « décadent cérébral » la fois prochaine, et peut-être alors t’offrirai-je une glace à la pistache caramélisée. Il est bientôt 5 heures, et si nous nous réveillions à présent de ce rêve étoilé ?

7) Of Montreal : Voilà un groupe qui a compris que la pagaille est la meilleure des orgies collectives. Impossible d’affirmer qu’avec Of Montreal, c’est pas gai. Mais on pagaie, oh oui, vers des contrées toutes plus folles les unes que les autres. Vu les costumes bariolés et les visages maquillés, le groupe semble nous dire en ce 26 mai : « Coucou vous, c’est le Carnaval ! » : leur pop bariolée sent le bordel mal organisé. A tel point qu’on a parfois l’impression d’être en expédition safari au fin fond de la Tanzanie. Les morceaux faisant le plus d’effet sont ceux tirés de Hissing Fauna Are You the Destroyer? (2007) et Skeletal Lamping (2008) : HeimdalsgateLike a Promethean Curse ou She’s a Rejector transforment la fosse de la scène San Miguel en piste de danse hallucinée. Mais les Américains savent changer leurs registres : le groupe s’adonne à des instants plus groovy sur l’étincelante Plastis Wafers, sans forcer son talent, juste en étant complètement dedans. Dix albums en 13 ans : on ne peut pas être aussi endurant sans savoir varier les plaisirs.

6) The Flaming Lips : Difficile de cacher son excitation en apprenant que le groupe était programmé à Primavera. Si le concert se retrouve si bien placé dans ce top, c’est que forcément la performance a été de taille. Mais il y a des choses qui ne peuvent s’écrire, car elles s’en retrouvent irrémédiablement affaiblies. La magie provoquée par Wayne Coyne et les siens tient de ces instants là. Visuellement prodigieux, le groupe fait preuve d’une énergie débordante, signant un set sous forme d’heureux adieu. La discographie est pléthorique, le talent de Flaming Lips n’a pas de limite. Dans sa bulle géante, Wayne Coyne a beau marcher sur la foule, il est inatteignable.  On ne peut que s’enthousiasmer à l’unisson lorsque démarrent les guitares exterminatrices de See the Leaves, laissant mourir le morceau sur d’authentiques trémolos de cordes. Splendide. Mais le meilleur reste à venir. Indescriptible fut cette version de Yoshimi Battles the Pink Robots Pt. 1 : au sommet de son art, Flaming Lips est comme habité, emportant la foule dans les méandres de sa sincérité. Et que dire de cette conclusion qui, en termes magiques, n’aura pas d’égale : Do You Realize ?, scandé ad nauseam comme le credo d’une vie, l’adagio d’une nuit. Renversant.

5) James Blake : Que les choses soient claires : il est du droit de tous de voir en James Blake un génial talent, un sérieux imposteur ou tout simplement un joueur de tennis. Mais les débats sur sa cote de hypitude et de son supposé  label « chouchou de la presse über branchée » épuisent. Le concert de JamesBlake à Primavera a fait, espérons-le, taire les mauvaises langues. Bien plus décontracté que deux mois plus tôt lors de son concert parisien, le Londonien se lance un défi : faire briller ses compositions cristallines dans un festival immense. Pas gagné. Mais Blake, sûr de lui, n’est pas là pour s’adapter. Au public de plonger dans l’apparent hermétisme de ses morceaux. Et ça  a l’air de fonctionner : ovationné à chacune de ses compos, il lance même un mouvement de « ouaaah »lorsque démarre The Limit to Your Love , reprise de Feist . Mais comme souvent, le meilleur est pour la fin. D’une inénarrable beauté et simplicité, le titre de Wilhelm Scream, verni d’un blues incroyable, atteint l’apogée émotionnelle grâce à la voix inimitable de son interprète. Et le DJ Set de sir Blake le lendemain, à coups de remix de Telefon Tel Aviv et Destiny’s Child, prouve si besoin en est que le petit prodige sait aussi aller là où on ne l’attend pas.

4) Animal Collective : Il y a comme un bug chez les Animal Collective. « On n’ose pas vraiment les critiquer parce que ça fait toujours bien de les placer en soirée, par contre en concert, paye ton down trip. Si c’est pour voir des machines, autant rester chez soi ». Discours fréquent. C’est pourtant le prix à payer lorsque, comme ces gars de Baltimore, on utilise la prestation scénique non pas comme un moyen de partager ses morceaux mais plutôt en laboratoire d’expérimentations.  Bien moins prétentieux qu’on ne voudrait le croire, Animal Collective est en perpétuel processus de création. Alors tant pis s’ils nous balancent 8 morceaux (sur 12) non identifiés. Ce qu’on retire de ce concert c’est que le groupe a encore beaucoup de choses à dire. Noah Lennox en guerre avec sa batterie, Avey Tare plongé dans ses claviers ainsi que Geologist et Deakin ne sont pas la pour nous brosser dans le sens du poil. Ces bêtes sauvages n’aiment pas se faire dicter leurs règles. Et même si ces nouveaux titres font plaisir, le groupe n’est jamais aussi transcendental que quand il nous verse ses pépites à la Brothersport ou Summertimes Clothes.  Enlevez-le haut, à Primavera c’est déjà l’été.

3) PJ Harvey :  On ne la présente plus. Discographie irréprochable, tantôt pyromane, maintenant plus discrète, PJ Harvey est un corbeau sans fard. Vêtue  d'une volumineuse robe blanche, elle est accompagnée de son acolyte John Parish, Mick Harvey et Jean-Marc Butty. Loin de ses coups sanguinolents lors de sa tournée 2004, Polly Jean a changé. Parce qu’elle a les moyens pour. Possédant tellement de cordes à son arc, l’Anglaise peut à peu près tout faire : harpe, guitare, chant perchée, voix grave acérée, rien ne l’arrête. Les morceaux de Let England Shake, son somptueux dernier effort, baignent dans un écrin rouge brique. Elle ne s’en contentera pas. Très généreuse – 20 titres interprétés – elle a la joyeuse audace de piocher un peu dans tous ces disques, offrant de beaux sommets d’intensité, avec Angelene ou Down By the Water. Puis soudain, on entend de retentissants cris de joie jaillissent de la fosse. Ah mais d'accord : le FC Barcelone vient d'étriller Manchester United en finale de la Ligue des Champions de foot. PJ est Anglaise mais ça va, elle ne semble pas trop faire la gueule. Sa victoire ce soir, elle la tient, offrant un concert sublime, sincère et habité.
 
2) Caribou : Pour une surprise, c’est une belle prise. Le concert de Caribou a atteint des sommets d’électricité et se classe très très haut dans nos cœurs. Anciennement appelé Manitoba, le Canadien hésitait  entre des morceaux pop passant au générique du Grand Journal ou alors des titres un peu plus risqués. En 2010, avec l’album Swim, il a choisi. Ne perdant rien du potentiel tubesque de ces chansons, celles-ci gagnent en consistance. En 2011, Caribou nous lance une claque monumentale, faisant preuve d’une maîtrise scénique stupéfiante et  physiquement intense. Impossible d’arrêter son corps sur les bouillonnantes Kali et Found Out. Mais rien d’extraordinaire : des artistes comme Caribou, Battles ou James Blake ont simplement compris que le son était une pierre précieuse, qu’on peut tailler pour faire briller, mais qu’on peut aussi briser à trop les tripoter. La foule se compacte encore un peu plus sur l’énormissime Odessa, tube en puissance, d’un groove imparable, aux beats dévastateurs. Le morceau terminé, on se dit : « Wow, quel finish, ça tombe bien je suis lessivé ». Mais il fallait en garder un peu sous le pied car le point culminant reste encore à venir. Au sommet de son art, Caribou envoie une version de Sun véritablement cataclysmique. On ne sent alors plus son corps, ni ses jambes, tout ce que l’on sait c’est que l’âme n’est jamais plus belle que lorsqu’elle danse au milieu d’un loup nommé Caribou.

1) Sufjan Stevens : Ce mec là est une angoisse dans son genre. Petit rappel : entre 2009 et 2010, il passe une bonne partie de ses journées chez lui, à soigner une étrange maladie dont il pense ne jamais se relever. En 2010, il conchie tous ceux qui attendaient de lui un Illinois bis en sortant The Age of Adz, plus décadent tu meurs. Et voilà qu’en 2011, Sufjan Stevens s’habille en super-héros, livre des prestations de 2h30, danse comme Lady Gaga. Normal. Si l’Américain peut se permettre tout cela sans passer pour un malade mental, c’est qu’il a eu la chance de connaître une deuxième naissance. Stevens a dû tout réapprendre, et surtout apprendre à oublier qui il était. Résultat : ses concerts sont des live-mondes. Inutile de dire que c’est beau, qu’il parle beaucoup, qu’à la fin y’a des ballons de baudruche qui tombent du plafond et tout oh mon dieu ! On s’en fout. Il n’y a rien à dire. Il y a tout à vivre. Véritable être hors du temps, Sufjan Stevens est déjà ailleurs. Tel un prophète, il dicte ce qui fera rage dans 20 ans. Aujourd’hui, on dit de lui qu’il est grand et talentueux. Dans 20 ans, on dira qu'il n’a jamais existé. Car dévoiler l’existence d’un tel monstre sacré, au lieu de le garder précieusement dans son for intérieur, est, croyez-moi, la plus belle connerie qui soit.

Impossible Soul

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