SOIREE BORN BAD RECORDS @ LA MAROQUINERIE : THE BOX, THE FEELING OF LOVE, FRUSTRATION

The Box
Cette chronique m'aura valu deux pannes d'ordinateur entraînant deux réécritures et les regards haineux de futurs bacheliers (ou pas) quand j'ai malencontreusement déclenché Worries très fort dans une bibliothèque en surchauffe intellectuelle à quelques jours des premières épreuves du bac. Pour toutes ces peines (sans compter le bleu en forme de couteau sur mon mollet), j'espère bien que cet article va exploser le compteur de vues. Et aussi parce que c'était une putain de soirée rock'n'roll comme on en vit trop peu.


Les caresses électriques dans le sens du poil de THE BOX

A peine arrivé, on descend voir The Box en guise d'apéro. A première vue, on se dirait "Mindfuck! C'est une soirée Born Bad et ce groupe a sorti son 7" chez Plastic Spoons Records" mais il faut plutôt voir la chose comme une histoire de famille et pas de label. On est moins étonnés de les voir là quand on sait que le duo était à la base le projet solo de Vincent Bergier (guitariste de Crash Normal, et là tu dis : BORN BAD!) ou que leurs morceaux ont été mixés par BOSCO, duo qui a également mixé les deux albums de Frustration
C'est donc une nouvelle branche de la famille Born Bad que l'on découvre en live en bonnes néophytes. Et c'est une nouvelle claque que l'on se prend. Le son te fracasse l'esprit, fait des ricochets dans tes oreilles pour aller ravir les esprits tordus jusqu'en Alaska. Même l'instrumental est chantant, ce son se colle à toi les mains sur tes hanches pour te faire bouger en rythme et la tête sur ton épaule pour te susurrer les mots du désir.  Malheureusement, ça passe à une vitesse effrayante et l'on ne peut qu'espérer les revoir très vite.

Le paradis de l'amour défiscalisé de THE FEELING OF LOVE


On les attendait de pied ferme, les p'tits gars de Metz. Après la sortie de Reward Your Grace en Avril - meilleur album français de l'année so far pour nous - ils ne pouvaient décemment pas nous décevoir. Mais l'on sait bien que la déception n'est jamais au menu d'une soirée Born Bad
Alors très vite on retrouve ce cynisme de bonne guerre qui nous avait séduit sur le premier album. C'est Empty Trash Bag qui fait office de piqûre de rappel "Everyone is kissing their own ass / 'cause I'm old and I am blue / I feel like an empty trash bag". Mais voyons Marietta, faut pas te dévaloriser comme ça. 
Si The Feeling Of Love devait être un sac poubelle, il serait rempli de gros billets. Pas des dollars, des euros. Pas un casse de banque pour s'acheter une grosse bagnole et une maison cent fois plus grande que les salles de concert qu'ils remplissent. Un casse pour produire une série d'albums du tonnerre. Le rêve américain ? Pour quoi faire ? The Feeling Of Love sont notre fierté française (la grande triple alliance internationale de l'Est, RPZ) et ils n'ont pas besoin de l'Amérique. Elle a sûrement besoin d'eux, si on en croit le nombre de fois où ils ont été appelés à y jouer.
Peu importe, c'est dans les salles crasseuses de France et de Navarre que l'on sait les apprécier. Public fidèle, danse frénétique, yeux fermés. C'est comme ça qu'on les apprécie, paupières baissées, en laissant libre cours à nos petits onirismes. Quand on les ouvre, c'est pour mieux savourer le spectacle qui se déroule sous nos yeux : chacun des membres se démène sur son instrument comme si c'était la dernière fois - ou plutôt comme si ça devait être la meilleure - , la sueur perle sur leurs fronts, ça dégouline dans tous les sens et ça vient donner cette saveur sucré-salé à un Reward Your Grace éclairé en live. L'album prend véritablement tout son sens sur scène, quand l'authenticité est à son apogée. On l'aura particulièrement sentie sur I wanna be the last song your hear before you die. Le titre parle de lui-même et ne sonne pas comme un vilain mensonge dans leurs bouches. Mais le moment qu'on oubliera pas, les minutes les plus intenses, c'était bien Castration's Fields. Un trip en pleine débauche. Tu en viens à te demander si ces douces ondes qui te font remuer les hanches ne vont pas finir par te déshabiller. Mais c'est plus mignon que ça. You're my lullaby. Girl your mother is your best friend. C'est les mots doux et les conseils dans une cadence un peu folle, c'est la sueur partagée, c'est le sens que l'on saisit au vol. C'est un sacré concert.



La grande messe FRUSTRATION



On ne quitte pas notre place au deuxième rang après le départ de scène des Feeling Of Love. Juste le temps de se rendre compte que pas mal de bière commence à flotter dans notre estomac et les membres de Frustration débarquent avec leur matos. Si quelques tatouages ne dépassaient pas de leurs manches, on croirait presque à des gars tous proprets - si l'on s'en tient à leurs polos impeccablement repassés et leurs petits pantalons droits. C'est leur musique qui révèle alors leur vrai nature : on s'en rend compte dès qu'ils performent devant nous, leur rigueur a évoluée en rage il y a bien longtemps, et, s'il reste quelque chose de droit et d'impeccablement repassé dans leur musique (cette diction fédératrice et ces rythmes répétitifs) c'est bien la rage qui anime très vite nos petits corps dont le bouton « ON » appelait à être pressé. Il suffit de croire le public de ce soir là : chaque fois que le groupe entamait une note en guise de mini-balance avant d'attaquer leur set, on se mettait déjà à donner du mouvement à nos muscles, la certitude nous prenant aux tripes qu'on allait dérouiller, que ce serait beau et grand. Nos tripes ont eu raison et on leur a servi de la bonne came ce soir là. 
La foule agitée a donné du mouvement à la fosse : on débute le concert au deuxième rang, on finit au fond de la fosse, servant de rempart aux slameurs infatigables. De près ou de loin, l'admiration s'est imposée en même temps que l'envie que ce moment dure pour toujours et soit à nous pour la vie. Intense envie d'extérioriser. Et d'invoquer la rage pour mettre nos muscles en tension et tout péter à l'intérieur de nous. Faire des ravages dans nos petites têtes, s'imposer de vilaines cicatrices à admirer plus tard comme des blessures de guerre.
C'était une grande messe rock'n'roll, un truc qui te rapproche des autres (et pas seulement parce qu'un concert de Frustration c'est toujours un corps-à-corps, mais aussi parce que la petite étudiante de 19 ans se découvre des points communs avec ce punk quarantenaire qui veut du mal à ses cervicales) et te rend meilleur, en toute simplicité. Ça fait juste un bien fou d'être au complet à la Maroquinerie pour gueuler sur Assassination, Worries, Uncivilized, Dying City ou les classiques Too Many Questions, Faster, Blind.. Et surtout de se dire que c'est avec eux qu'on gueule et pas devant une soupe médiatique à la Justin Bieber ou même un groupe de rock à tendance revival sans aucune authenticité (la liste serait longue).

On sort de là regonflés à bloc, plus sûrs que jamais que la musique a des pouvoirs sur l'Homme et prêts à faire un gros fuck à la crise du disque en achetant tout ce qui sort sur Born Bad (si c'est pas déjà fait). 

Jessyka
Photos : Mathilde de Morny