TAKE A DRAG OR TWO W/ CITIZENS!


La vingtaine brinquebalante et déjà prometteurs : les Citizens !, auteurs d'un valeureux concert à Rock en Seine et d'un album au titre prophétique (Here We Are, 2012), conquiert par ses chansons pop bien calibrées et par son franc-parler revigorant. Rencontre avec de jeunes citoyens qui auront bientôt pignon sur rue.

Vous êtes originaires de Londres. Comment les citoyens que vous êtes ont-ils émergé ?

Assez naturellement. Tout a commencé l'an dernier avec le Printemps arabe où l'on voyait le mot « citoyen » partout. Tout le monde en parlait et ça nous a semblé pas mal pour un nom de groupe. On en a parlé à un ami avant et ça lui a fait penser aux bandes dessinées, alors on a ajouté ce point d'exclamation. Ça nous a plu.

Il y a un message politique derrière ce choix ?

On ne parle pas ouvertement de politique dans les paroles de nos chansons. C'est davantage un esprit que l'on veut faire surgir, d'où l'idée de révolution. Tout ça signifie pour nous la façon dont l'individu s'intègre et se relie à l'ensemble, la communauté. Ça soulève beaucoup de questions sur le pouvoir : qu'est-ce que c'est ? Et l'autonomie ? Et surtout, que peut-on en faire ?

Vous avez collaboré avec The Rapture pour votre album...

Oui, c'était très drôle d'ailleurs. C'est eux qui nous ont choisis, en quelque sorte. Ils ont bien accroché à notre musique. Puis on a envoyé une vidéo aux gens pour tester leurs réactions et ça a plutôt bien fonctionné. Mais ça c'est fait de manière assez simple et spontanée.

Vous considérez-vous membre de la scène musicale londonienne ?

On a d'abord eu un temps de prise de conscience qu'elle existait vraiment, avec une flopée de groupes qui a émergée : Django Django, Kindness, Breton... On essayait de faire le même genre de choses mais il n'y a pas de règles. Ces groupes ont quelque chose de similaire dans l'esprit mais pas nécessairement dans le résultat musical, au final. Quand tu dis que tu fais partie de la scène musicale londonienne, c'est assez marrant quand on y pense. Il y a quelque chose de très sain qui arrive en ce moment : on essaie tous d'être imaginatifs et créatifs. Avec une conscience de groupe, mais pas comme dans un cercle fermé où on n'autoriserait personne à entrer. Ils viennent de partout, de la pop music mais pas seulement.

Vous avez signé chez Kitsuné, un label français...

Oui. Tu dis que c'est un label français mais en réalité c'est un label international, qui a la côte en Angleterre.

Comment ça s'est passé ?

Dès que nous avons rencontré notre staff de managers, nous avons eu plusieurs sollicitations de la part de plusieurs labels, justement. Mais Gilda, de Kitsuné, est un personnage particulier qui nous a montré qu'il pensait les choses différemment, qui nous a dit ce qu'il attendait de nous.

C'est-à-dire ?

Quand la rencontre a eu lieu, nous n'avions même pas encore de groupe ! Mais ils ont dit : « C'est pas grave, on aime vos chansons, pas besoin de nom. » Et puis : « Qui voulez-vous comme producteur ? Où souhaitez-vous l'enregistrer ? ». Ils ne nous ont pas dit comment on devait « sonner ». Ils se sont simplement fié à la qualité de nos chansons, et de fil en aiguille, imaginé une vidéo qui irait bien. C'est tellement frais d'avoir cette liberté. Et c'est au moment où tu enregistres ton album que tu deviens vraiment celui que tu as voulu être.

Combien de temps l'enregistrement vous a-t-il pris ?

Bien plus longtemps qu'Alex (Kapranos, leader de Franz Ferdinand et producteur du groupe, ndlr) désirait au départ. Environ deux mois et demi. Et le choix d'Alex ne s'explique pas par le fait que nous apprécions son groupe. On a rencontré tellement de producteurs, et tous voulaient nous engoncer dans un processus « manufacturé », qui te dit ce que tu dois faire et penser, qui veut créer un son qui ressemble à des tas d'autres formations. On allait donc devenir un rouage de cette production de masse, conformiste. Nous ne voulions pas ça. Nous voulions notre propre truc, à nous. Alex a dit : « Venez chez moi, il n'y a pas de règles, c'est juste entre nous, peu importe votre personnalité ». Les chansons pop sont l'une des plus belles créations humaines : ce sont de petites choses qui nous unissent et qui nous font passer un chouette moment. C'est pour ça qu'on pense que la « pop music » n'est pas une appellation morte et enterrée.

Interview réalisée par Orlando Fernandes