THE BEST OF : THIS IS NOT A LOVE SONG FESTIVAL 2014 @ Paloma, Nîmes






Après avoir traversé la France en voiture, être passée de la grisaille au soleil tendre, j'arrive pour les dernières lueurs du jour et le set de The Fall. Paloma, toujours aussi ravissante, s'est habillée d'un jardin d'été. Chacun y circule gaiement entre le bar, les tables de ping-pong, les poufs, les transats et la scène extérieure sur laquelle se joue un spectacle attachant. Le public est conquis, un peu partout des yeux pétillent d'être enfin confrontés à Mark E.Smith, tout de chair et d'os. Il se tient là, fier, ce petit homme de talent. En bon anglais, il lève le petit doigt de sa main qui serre le micro, comme à l'heure du thé. Mais c'est l'heure de la bière et de taper du pied devant la légende. Presque quarante ans qu'il mène ce groupe avec ferveur, que chaque galette est une merveille et que même les rythmes répétitifs nous paraissent nouveaux tant ils sont élégants. 


A l'intérieur, la légende continue dans la grande salle avec The Brian Jonestown Massacre. Eux aussi font presque tourner de l’œil quand on pense au nombre de chefs d'oeuvres accomplis. Quand on pense à l'adolescence marquée par le visionnage en boucle de Dig! et aux souvenirs gravés à jamais autour de Take it from the man ! Alors les voir live, que ce soit la première ou la énième fois, c'est un peu un cérémonial. Orchestré à merveille par des personnages attachants. Joël Gion, qu'on appelle volontiers entre nous par son prénom comme s'il faisait partie de la bande, n'a pas changé d'un poil. Toujours son bonnet, ses lunettes et son tambourin. D'un regard extérieur, le bonhomme ne sert vraiment à rien. Mais pour les connaisseurs et les fans, c'est un pilier. Seul petit bémol à ce live, très peu de titres du dernier album ont été joués. Regrettable car ça nous aurait permis de graver encore plus vite de nouveaux souvenirs et de s'enivrer de la certitude que ce groupe nous suivra fort, fort longtemps dans nos vies. 
Après la rêverie des BJM, on sort prendre l'air et les lourdes vibrations de 2020 nous attirent dangereusement. On découvre le concert de Suuns, parfait pour la scène en plein air histoire d'exorciser le trop plein d'énergie. Planant, aérien, on sent nos pieds se soulever et notre corps s'alléger à mesure que les gorgées de bière effectuent leur douce trajectoire. On danse sans même s'en rendre compte, happés par la mélodie envoûtante et le flux de festivaliers qui se dandinent tout à côté.  


Le temps de reprendre ses esprits et c'est le retour aux sources dans la grande salle avec The Jon Spencer Blues Explosion. On se défait les cordes vocales et se meurtrit les hanches au rythme saccadé de leurs errances rock'n'blues. Tout ça fait du bien là où ça fait mal. La voix de Jon Spencer, comme à son habitude, fait l'effet d'un gourou qu'on suivrait n'importe où. On se perd un peu dans ses vocalises et on se sent fidèles de la plus belle secte musicale à chaque fois qu'il s'égosille pour faire résonner dans toute la salle et par-delà : "Blues explosiiiiiooooon". C'est déjà la fin de la première soirée au This is not a love song et on se sent un peu coupables d'être retombées amoureuses si vite. 



Deuxième jour, les jambes en coton mais la tête prête à des nouveaux chocs, on arrive pour le concert d'Earl Sweatshirt. De la scène extérieure, ses mots résonnent par-delà Paloma, dans cette zone un peu triste qu'il habite avec grâce ce soir-là. Même quand on n'en comprend qu'un sur cinq, on mange ses mots à mesure qu'ils sortent de sa bouche. Les mélodies nous aident à comprendre son langage, ses histoires et son monde. C'est plein d'une poésie à la fois proche et lointaine, contemporaine et universelle. On se joint alors à son langage, à ses histoires et son monde par une danse répétitive qui signifie : "j'ai compris". 
Pas fans de Cat Power ni de Jungle, c'est les Black Lips que l'on attendait, toujours sur la scène extérieure. La jeunesse a ramené ses fesses pour le set de ces vikings chétifs. Le concert n'a pas encore débuté que Cole Alexander entame ses péripéties en lançant des bouteilles de bière au public qui, agile (heureusement!), donne des coudes pour les rattraper et s'enivrer gaiement. Fidèles à leur réputation, ils foutent autant le bordel sur scène que tout le public sur le parvis. O Katrina! est démentielle même si Cole n'a plus la force d'articuler, Bad Kids est toujours trop courte et tout le set nous enflamme de haut en bas, d'intérieur en extérieur, des tripes aux neurones. Il n'y a définitivement pas d'âge pour cette énergie adolescente. 


Un peu plus en avant, là où l'adolescence reste présente en arrière-plan mais où d'autres merveilles ont eu le temps de faire surface, il y a le live de Ty Segall. Grésillements intenses, le headbang de Mikal Cronin, les coups parfaitement mesurés d'Emily Rose Epstein, Charles Moothearts époustouflant bien qu'en retrait et puis Ty qui orchestre tout ça à la merveille. Sueurs froides sur Thank God For Sinners, Tell Me What's Inside Your Heart et Imaginary Person tout particulièrement. Poésie en vrac et quelques démons qui viennent nous secouer à mesure que les titres s'enchaînent. C'est foutrement beau, comme à chaque fois. Ca l'est tellement qu'on préfère arrêter notre soirée sur la dernière note de Girlfriend, boudant un peu Daniel Avery. 



Dernier soir. Après avoir ri un bon coup au live de Sky Ferreira, on retourne aux valeurs sûre avec WhoMadeWho sur la scène extérieure. Une chaleur douce enveloppe leur set, leur musique aux tons de gris devient bouillante, nous réchauffe tout le cœur. Les deux frontmen plein de savoir-faire entretiennent un lien étroit avec un public conquis qui danse autant qu'il peut pour vu que la musique pénètre par toutes les pores. Inside World restera un des plus beaux souvenirs du festival. 
Et comme festival c'est aussi fête, on est allés danser plus sévèrement au son des fous furieux californiens de The Glitch Mob. De la musique qui rend taré comme il en faut parfois pour se cramer les neurones entre potes. Une électro puissante, travaillée bien qu'avec quelques moments brouillons qui ont leur charme, qui s'avère massive quand on sort de là les jambes tremblantes et le cœur décroché. 


Juste ce qui fallait avant Acid Arab qui clôt le festival dans la grande salle. L'occasion d'exercer une danse plus travaillée où le rythme pénètre chacun des muscles, détend les hanches et fait tourner les poignets. Un groupe dont on ne se lasse jamais en live tant ils insufflent la joie de vivre sans mot dire et nous rappellent au monde. Que demande le peuple ? Rien. Après cette deuxième édition du This Is Not A Love Song, il est comblé.  


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